.O.
09/03/2019
Cela fait longtemps que je n'avais pas vu au cinéma une bande-annonce aussi poignante et je viens de la regarder après avoir vu le film et elle me fait toujours cet effet : 2 minutes 30 secondes qui ont une force de frappe assez impressionnante et qui annonçaient un grand film (avec des doutes sur les capacités de François Ozon à garder ce niveau sur 2h15 et sur ma capacité à encaisser sur une si longue durée les émotions ressenties sur ce court temps).

Le film souffre fortement de la comparaison avec cette bande annonce : dilué sur 135 minutes assez longuettes, il perd toute la puissance de cette dernière. La première demi-heure est particulièrement ratée puisque les personnages passent leur temps à lire en voix off les lettres qu'ils se sont échangées. Les images n'ont que peu d'intérêt et le film se traîne. L'action en justice pour interdire la diffusion du film (le procès du père Preynat n'étant pas clôturé) avait permis de prévenir les spectateurs : lejugement ne devait pas être parasitée par le film puisque le prêtre a reconnu plusieurs fois les faits, ce que montre le scénario. De plus, le film est centré sur la création de l'association "La Parole libérée" et cherche davantage à montrer comment une histoire que "tout le monde connaissait" pour l'avoir intimement vécu ou pour en avoir entendu parler sans en prendre pleinement conscience, pouvait enfin sortir au grand jour 20 ans après les faits.

Le film montre les trajectoires prisent par les personnes passées entre les mains du prêtre. Ceux qui sont restés dans l'institution, ceux qui l'ont violemment rejetée, ceux qui ont occulté ce qui s'est passé, ceux qui n'ont pas réussi à dépasser le traumatisme. Tous ont la parole et montrent qu'il n'y a pas une seule manière de digérer et de réagir. Rien de bien neuf me direz-vous ? Je confirmerai surtout que les multiples flash-back pour illustrer les diverses situations sont peu utiles et mènent à quelques anachronismes gênants (le gamin qui marque un but et qui fait un "floss" de Fortnite !).

Françsoi Ozon se retrouve avec une histoire forte sur le papier mais difficile à mettre en scène : le combat juridique pour repousser la prescription des faits, le combat contre l'église et la peur d'être mis au banc par sa communauté si on l'attaque, le combat contre sa famille qui aurait pu/du protéger l'enfant, ... tout ceci est illustré sans panache par un réalisateur qui a pourtant fait des miracles avec des histoires improbables (vous avez dit "Ricky"). Tous les détails donnés dans le film laissent supposer que le travail de documentation à été minutieux mais, dans ce cas là, pourquoi ne pas avoir fait un vrai documentaire ? Visiblement, c'est une demande des victimes mais le film ne sonne pas toujours juste, les familles des différents protagonistes étant dépeintes bien trop rapidement pour saisir tous les enjeux, les phases de doutes étant expédiés sans que soient creusées les conséquences des divers choix.

Au final le film n'apprend pas grand-chose : il y a de la pédophilie dans l'église, des prêtres ont été couverts par l'institution et les mesures misent en place pour éviter que cela ne se reproduise paraissent bien légères... j'aurais attendu du film qu'il s'empare de ces faits pour creuser davantage les raisons qui ont poussé des parents au courant à fermer les yeux plus ou moins volontairement, qu'il se penche sur la question du lien entre religion et jeunes plus généralement, qu'il gratte davantage les réponses de l'église et les attentes des croyants.

Bref, j'ai trouvé le film presque fade ce qui contraste avec cette bande-annonce quasi parfaite. Cela expliquera cette note finale assez basse malgré la performance magistrale des acteurs qui portent le film du début à la fin. Dommage que le scénario n'en fasse pas de même.  

.O.